présentation des peintures synchronistiques

samedi, mars 14, 2015

RÊVERIE

Gilles Chambon, "Te souviens-tu ?", huile sur toile 56 x 58 cm, 2015

Ce tableau est une métaphore de la rêverie.

L’attitude de la jeune femme, empruntée à Gauguin, qui lui-même l’a utilisée dans deux de ses peintures (1), exprime cette douce nonchalance, ce demi abandon – avec le regard tourné vers les évocations intérieures – qui caractérisent la rêverie. On pourrait définir cet état mental comme une concentration involontaire de l’attention sur des réminiscences ou des imaginations qui s’enchaînent sans autre cohérence que l’affinité mnémonique. Il n’y a pas de structure ni de signification préétablie dans la rêverie ; elle vagabonde, elle va là où l’écho l’appelle, elle passe volontiers au travers de mille choses importantes, auxquelles elle ne prête pas attention. Elle se focalise plutôt sur des détails qui la séduisent, ou sur des silhouettes qui lui ouvrent les portes des souvenirs heureux.

Dans la peinture de Gauguin, il y a surtout des souvenirs heureux ; c’est pourquoi j'ai pris encore chez lui les trois figurines qui, dans mon tableau, paraissent suscitées par la rêverie de la jeune Tahitienne : un couple (2) (une ancienne amitié ?) et un chien famélique (3) (qu’un jour peut-être elle a nourri). Quant au décor dans lequel se situent la rêveuse et ses évocations, je l’ai, à dessein, repris du travail d'un peintre abstrait : la rêverie, comme le rêve, n’a en effet besoin d’aucune continuité ni d’aucune espèce de cohérence spatiale figurative entre les entités parmi lesquelles elle se promène. Le fond est donc transposé d’un tableau, sans titre, qu’Albert Bitran (aujourd’hui âgé de 86 ans) a peint en 1970.

1 - Femmes de Tahiti : une version de 1891 est au musée d’Orsay, et une autre version, de 1892, à la galerie Neue Meister de Dresde.
2 - Scène de plage, Martinique, 1887.
3 - Arearea, 1892, musée d’Orsay

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